Apporte-moi un fouet et laisse-moi une petite heure.

"Salut ! Ca va ?

- Bien, merci."

100 fois j'ai répondu ça cette semaine. Que dire d'autre ?

"Non, ça va pas. Ca va pas parce que je sais plus qui je suis. Parce que je me sens nulle. Parce que je voudrai être parfaite et que je ne le suis pas. J'ai accepté d'avoir un chien et je voudrai qu'il marche sur ses pattes avant dès la première semaine. Tu vois, je supporte pas qu'il aille bouffer les merdes de nos chats, qu'il se mette à pisser dans la cuisine, qu'il pleure la nuit, j'ai envie de l'étouffer avec un oreiller. Mais ça, je peux pas le dire parce que je sentirai ton regard plein de jugement et de mépris posé sur moi, et j'ai pas besoin de ça. Et puis, tu me dirais qu'au fond, j'ai choisi ce chien, j'ai plus qu'à assumer. Et t'aurais raison. Et je culpabiliserai encore un peu plus que ce que je fais déjà. Parce qu'en fait, tu vois, moi, je culpabilise de tout. Je culpabilise de ne pas avoir commencé mes dossiers à rendre dans deux mois. Je culpabilise à l'idée de me foutre en arrêt pour dormir et arrêter de pleurer. Je culpabilise de ne pas éduquer correctement mon chien. Je culpabilise de laisser Joker se lever toutes les nuits pour le sortir. Je suis la culpabilité faite femme. Je culpabilise de me plaindre. Et puis, aussi, j'ai peur. J'ai peur de tout, de l'avenir, du boulot, de Lorie, de décevoir mes parents, que Joker ne m'aime plus, j'ai peur de toi aussi. Que tu me juges, que tu ne m'aimes pas. Je suis fatiguée d'attendre ton amour, et le sien, et le sien aussi. Et puis, je me dis que je ne vois que le négatif. Que je ne m'intéresse pas assez aux gens qui m'aiment. Sauf que ces gens-là, j'ai peur de les décevoir, qu'ils m'abandonnent. Qu'ils se disent "je viens de découvrir qui elle est vraiment"... En fait, tu vois, à l'aube de mes 27 ans, j'ai l'impression de régresser complètement, d'avoir honte de ce que je suis, d'avoir peur d'affirmer ce que je crois être. Une fille musée. Une fille superficielle, qui veut un chien parfaitement éduqué parce que ça fait classe, qui veut être éduc parce que ça lui donne le sentiment d'être utile, qui ouvre grand sa gueule parce qu'elle ne veut pas qu'on cherche à voir les dégâts à l'intérieur, qui veut un enfant pour s'assurer l'amour inconditionnel d'une personne, dans ce putain de monde pourri dans lequel chacun se plaît à voir la souffrance des autres. Parce que c'est ça, tu sais ; plus l'autre souffre et t'explose sa douleur, plus ça t'amène à penser que tu es franchement mieux que ce trou du cul. Je ne comprends pas ce principe, il m'écoeure. Et puis..... putain je commence toutes mes phrases par "je"... Et toi, ça va ?"

Non, vraiment, je ne peux décemment pas répondre ça.