vendredi 2 décembre 2011

La lumière au bout du tunnel

Après un mois et demi de dépression tragique au fin fond de mon stage avec les Gétrans, un petit rayon de soleil a caressé mon coeur et l'a rempli d'une allégresse que je pensais oubliée. 
Après avoir envisager diverses formes de meurtres à l'encontre de Lorie, évalué les conséquences judiciaires que ça m'aurait valu, abandonné cette perspective au profit d'une lobotomie intellectuelle de type les yeux fixes perdus dans le vide et la bouche légèrement entrouverte, je suis sortie de ma léthargie. 

Laisse moi te raconter ma journée d'hier. 


Le matin, il était décidé que j'accompagne Bénédicte pour le déménagement d'une famille de Gétrans qui entrait au service, donc allait vivre dans un des immondes logements prévus pour ces Gétrans en exil.  La famille vivant à une bonne heure de route de là, on a passé une bonne partie de la matinée dans le camion. Tu vois, jusque là, Bénédicte, c'était juste une collègue que je connaissais pas trop, froide au premier abord, mais connaissant des moments d'extrême coolitude qui me laissaient entrevoir un côté sympathoche. Après ces deux heures de trajet, je connaissais toute la vie de Béné (ouais Béné, ouais) et elle connaissait toute la mienne. Mais genre, intime quoi. Le genre de conversation que tu as soit après 2 bouteilles de rouge vers 3 heures du matin, soit sur un divan les yeux mi-clos. Et crois-moi, désormais, Béné, ça sera trop ma pote au boulot, et Lorie l'aura bien dans le cul. 
Aaaaahhhh, magie du CM1....

Après cet énorme baume au coeur que m'a procuré le constat de m'être fait une super cop's dans ce stage dantesque, je te raconte la grosse guebla de la famille de Gétrans qu'on est allé chercher. 
Déjà, saches que quand arrive une famille de Gétrans dans ma ville, elle est soit orientée vers un service qui s'occupe d'elle jusqu'à ce qu'elle soit régularisée, soit elle est prise en charge par un collectif de bénévoles. 
La première solution est pas folichonne pour eux, rapport que c'est un service d'un mec qui gère 80 familles. Autant te dire qu'ils ont intérêt à se sortir les doigts du cul s'ils veulent bouffer pendant les 2 années que ça peut durer. Ensuite, ils entrent dans mon service, souvent très au courant de tous les bons filons. 
Le seconde solution est plus reloue pour nous. Les bénévoles, ils ont le coeur sur la main, tu comprends. Ils sont prêts à pleurer très fort quand ils voient une famille (surtout quand il y a des enfants, mon dieu, c'est terrible). Alors ils les prennent dans leurs bras, leur font un gros câlin et les bichonnent tout ce qu'ils peuvent. Donc quand ces familles arrivent dans mon service, elles ont souvent été accueillies en guest stars avant, et ne comprennent pas pourquoi on ne vient pas changer leurs draps tous les jours. 
La famille qu'on a déménagé vient de cette seconde possibilité.... 

Quand on a téléphoné pour dire : coucou c'est nous, on vient avec le camion pour les déménager, le collectif de bénévoles a postillonné un tas d'insultes et nous a dit qu'on était rien que des méchants. (Ce qui, quand tu y penses, est rigolo parce que notre boulot, c'est que les Gétrans obtiennent des papiers.... comme les collectifs quoi).
Une semaine avant le déménagement, la famille qui était au nombre de 7 membres, est passée à 6. Il paraît que la fille aînée de 16 ans, qu'on savait mariée, a disparu en Belgique dans un réseau de prostiputes. Eh oh ! faut bien rembourser le passeur, nom d'un petit bonhomme !! Et si engendrer des fillettes peut pas servir à ça, à quoi bon se reproduire, j'ai envie de dire ??
Du coup, le collectif était à moitié refroidi, tu penses. Finalement, le pauvre petit papa est peut-être pas si faiblard que ça, pour vendre son héritière... 

Tu comprends aisément en quoi cette famille sent très fort le roussi. Et bien sûr, qui a dit, avant de connaître toutes ces péripéties, qu'elle était EN-CHAN-TEE à l'idée de suivre cette famille au plus près pendant son stage ? Je te laisse deviner. 

Bien sûr, une fois rendus dans le nouveau logement (certes totalement pourri, c'est juste la honte de leur montrer l'horreur vétuste dans laquelle ils vont vivre pendant plusieurs années) (même s'ils ne payent rien m'enfin la dignité, on connaît pas), le gentil papa nous a fait un foin pas possible parce qu'ils n'avaient pas de pain pour manger le soir. Il est 13 heures, j'ai envie de te proposer de descendre avec tes petites jambes en acheter à la boulangerie. Non, tu préfères qu'on le fasse pour toi ? Très bien, avec ceci, un petit jambon de Bayonne ?
Ensuite, le gentil papa nous a fait un foin pas possible parce qu'il faisait froid dans l'appart. Moi qui étais en pull et dégoulinais littéralement, je l'ai regardé comme Daz regarde une feuille morte : sans comprendre. J'ai dit : Non, il fait chaud. Il a dit : Froid ! froid ! petit bébé ici ! FFRRROOIIIIIDDD !! J'ai dit : Non, il fait chaud. J'ai regardé le thermomètre qui affichait 22 degrés. Je lui ai montré le thermomètre et j'ai dit : Il fait chaud. Il a regardé le thermomètre et a dit : Frrrrooiiiiiiid ! J'ai abandonné, j'avais faim. 



Hier après-midi, après avoir mangé une pizza avec ma daronne (oui oh ça va, je mange une pizza alors qu'ils n'ont pas de pain, olala, c'est mal.... mais tu veux quoi à la fin ? que je me laisse mourir de faim par solidarité ?!) et être rentrée sous une pluie battante pendant 20 bonnes minutes (tu vois, j'ai même pas de quoi m'acheter un parapluie parce que pour ta gouverne, c'est ma daronne qu'a payé les pizzas AH AH !!), je me suis attelée à une tâche extrêmement réjouissante qui me prend 5-6 bonnes heures/semaine depuis 2 semaines : gérer le problème internet d'un couple de Gétrans. Entendu que quand nous avons installé internet at home avec Joker, je lui ai refourgué tout le boulot tellement ça me fait profondément chier, ce type d'installation. Il aura fallu que j'ai un noeud incroyablement chiant à démêler en stage pour me rendre compte de la cruauté dont je fais preuve en lui déléguant tout ça. Mais bref. 

Hier, le couple avait pris sa décision : ils voulaient résilier leur contrat. Ce qui, dans leur pays, revient à brailler comme un putois dans le magasin, mais qui, en France, comprend lettre en recommandé, 45 euros et tout le tintouin. D'où qu'il m'a fallu l'équivalent d'une journée de travail pour leur expliquer pourquoi en France tout est incroyablement compliqué. Monsieur n'est pas content du tout, tu imagines bien, et donc m'engueule tous les jours comme si j'étais représentante officielle de SFR. Tous les jours, je lui réponds en souriant : Moi pas SFR (ricane, ricane, tu verras quand tu devras parler à un Gétran toi aussi, que c'est bien plus simple de faire des phrases-tarzan). Tous les jours, il rigole, s'excuse et me dit : A demain !
Et donc, hier (je sais, je m'égare dans plein de directions, mais c'est l'excitation d'avoir des trucs à faire, j'ai l'impression d'exister), j'ai écrit la lettre de résiliation avec le couple, et comme je commence à comprendre quelques mots russes, on s'est marré tous les 3. En fait, je me rends compte que c'est carrément nul, comme anecdote, mais si tu savais à quel point ça fait du bien de voir qu'ENFIN ! collègues et Gétrans commencent à te considérer et à te faire confiance.... Les faire marrer, ça revient pour moi à être à l'aise, à être naturelle et à prendre confiance en moi. 

Tout ça pour dire que hier, je n'ai quasiment pas vu Lorie, et que c'était la première journée durant laquelle je me suis sentie bien dans mon stage. 


10 commentaires:

Joker a dit…

Hasard ? Je n'crois pas...

(cf ta dernière phrase)

Princesse a dit…

Je ne crois pas non plus.

sista a dit…

Fuck Lorie !

C'est bien sista, c'est très bien. Tu nous parles russe ce soir un peu ? Entre ton couple et mon russe québécois, on a moyen de s'apprendre des mots ! :)

Princesse a dit…

Je te cache pas que je maîtrise plus l'accent russe en français. Mais sinon, je connais "davaï" et "idiot". Classe non ?

sista a dit…

Veugra veugra !

Hano a dit…

Moi aussi j'veux entendre parler (lire?) russe!!
J'adore l'expression "nom d'un petit bonhomme". On ne l'emploie pas assez souvent!

Princesse a dit…

Il y a tant d'expressions et de mots oubliés, et qui mériteraient amplement leur place dans notre langage quotidien. Par exemple : "Va donc mettre tes chausses, faquin", quand ton gamin a finit de s'habiller.

S. Signorait a dit…

J'suis bien d'accord avec toi. La dernière fois j'ai dû expliquer que son recours n'était pas valable, ça a donné à peu près ça: "papier, monsieur, pas content, refaire, vous comprendre? Non? Sa mère, donne je vais le faire pour toi làààààààààà."

Après, nonméoh les bénévoles ils te merdent là! Nous, on est PAS PAYE, cey dur! Ah! Toi non plus? (..) Je crois voir ce que tu veux dire, t'es pas tombée que sur des bons, des vrais bénévoles, j'en connais au moins, hum DEUX qui font ça de façon désintéressée et n'arrivent pas avec des présupposés sur les pauvres petites gens et sur les méchants bourreaux. Si,si... DEUX!

Princesse a dit…

Tu as pensé à les signaler pour qu'ils reçoivent un Nobel ? Nan parce que bon, des actions complètement désintéressées, à en croire Friends, ça n'existe pas. Oui, je crois tout ce que dit Friends.

Princesse a dit…

Et je crois également que Ross et Rachel étaient bien en pause.