Ce qu'on appelle "la fatigue nerveuse"

Comment te dire à quel point je suis nerveusement épuisée.

D'abord, j'oscille entre des moments de profondes déprimes et d'hystéries inquiétantes. La semaine dernière, c'était plutôt le mode super-déprime, là où je suis moche, nulle, détestable et où je rencontre des pulsions de fugue en Albanie. Au moment où je suis au carrefour où tout droit c'est le stage, à gauche c'est la mer et à droite c'est la fugue, ma bonne conscience me dit que petitun, le reportage sur le trafic de femmes en Albanie est quand même considérable, et petideu, que la photo que choisirait Joker à donner aux FBI portés disparus serait forcément une immondice, entendu qu'elle ne prend que des photos de moi abominables. Jusque là, comme tu peux constater, j'ai toujours pris le carrefour sans dévier de ma trajectoire...

Cette semaine, après un week-end que je nommerai optimiste, je reviens en mode hystérie inquiétante. Entends par là que je parle sans discontinuer, en partant régulièrement dans des rires brefs et aigus, et où mon entourage me fixe avec des yeux emplis d'une lassitude évidente. (Je sais pas si tu as déjà vu les Maçons du coeur américains, mais si tu as déjà vu, tu peux remplacer la tête du présentateur par la mienne, ça te donnera une idée) Sauf qu'évidemment, je ne suis pas pour autant joie et épanouissement.

Je suis juste claquée.

Aujourd'hui, j'ai passé ma journée de stage dans un service voisin de celui de Lorie. A la fois par véritable intérêt pour la chose. Aussi parce que chaque heure passée loin de Lorie me rappelle un peu plus ce qu'était pour moi la notion de bien-être.

La journée commence par une réunion de service, où nous étions 4, moi y compris. Autant te dire que passer inaperçu est plutôt complexe. Tu imagines bien qu'afficher un ennui incommensurable est tout autant difficile. Sauf que quand, pendant 2 heures, on cause de personnes que je sais pas du tout qui c'est et qu'au fond je m'en tape le coquillard, et que, une heure auparavant, quand mon réveil a sonné, j'ai eu envie de décéder, tu imagines bien, donc, que mon cerveau envoie des signaux d'alarme à mes oeils. Ce qui fait qu'en plein milieu de la réunion, j'ai été obligée de tenir mes yeux ouverts avec mes pouces et mes index. Sérieusement, je devais ressembler physiquement à une chouette, et intellectuellement à une Kycor qui s'est retrouvée là par hasard...

J'ai donc lutté 2 heures, comme jamais dans ma vie d'avant, pour ne pas poser ma tête dans mes bras sur la table, sous le nez du chef de service et de 2 collègues qui ne me connaissaient pas.

Et puis, le chef de service a eu un coup de téléphone sur son portable. Et il a décroché. Et sa langue a fourché au moment de dire "Allo". Il a dit "Allu". Tout le monde a rigolé. 15 secondes. Sauf moi. Parce que moi, je suis littéralement partie en fou rire. Genre la pauvre meuf totalement hilare parce qu'on a dit "Allu", au lieu de "Allo".

...

Ca a duré 5 minutes, durant lesquelles je riais de manière hystérique, tout en me disant que si je devais sortir pour me calmer, je grillerai mon évaluation de stage de manière définitive.

Après la réunion, je suis partie avec un des collègues, dans le service que je découvrais aujourd'hui.

Tout allait très bien quand, au milieu de l'après-midi, j'envoie un texto à Joker qui commençait ainsi :
"Coucou chérie, je m'emmerde... (etc)"

Quelques secondes plus tard, Joker me répond :

"Ahah, j'avais lu : coucou chérie, je t'emmerde."

J'ai littéralement pouffé de rire en lisant ça. Le collègue était au téléphone alors j'ai tenté de me cacher pour ricaner à mon aise, et puis je me suis dit que s'il me demandait pourquoi je riais, je ne pourrai décemment pas lui répondre : "parce que j'envoie des textos en lousedé à ma copine, en lui disant que je m'emmerde et qu'elle a compris que je disais que je l'emmerdais !!! LLLOOOLL". Du coup, en plein dans ce sentiment étrange qu'on ressent quand on rit en toute illégalité, c'est-à-dire que tu sens que, petitun c'est pas drôle au point de s'esclaffer comme une malade, petideu c'est irracontable aux personnes qui t'entourent, et petitroi en même temps t'es là à rigoler comme une baleine, seule dans une pièce avec un type au téléphone qui peut clairement croire que tu te fous ouvertement de sa gueule. Mis les uns dans les autres, ces trois petipoints ont fait que je suis repartie en fou rire. Toute seule.

Et là, dans ma tête, tournaient en boucle : "Allu", "coucou chérie je t'emmerde", et "il va croire que tu te fous de sa gueule, il va croire que tu te fous de sa gueule". Ce qui n'a pas arrangé les choses, comme tu t'en doutes.

J'ai finit par opter pour l'option "honnêteté" et j'ai dit au collègue, une fois qu'il a raccroché : "excuse moi, je suis fatiguée aujourd'hui, et je sens que je peux partir en fou rire pour un rien, c'est pas contre toi hein, je te préviens juste, c'est pas du foutage de gueule ou quoi, c'est juste que je suis fatiguée alors pardon d'avance".

Ceci a eu pour conséquences d'une part que le-dit collègue s'est acharné tout le reste de la journée à tenter de me faire rire (mais en demandant à l'agent technique qui sort des chiottes s'il a été faire caca, il n'a pas obtenu l'effet escompté), et d'autre part qu'il a expliqué à toutes les personnes qu'il avait au téléphone (soit une vingtaine), qu'il avait à ses côtés une stagiaire qui risquait de partir en fou rire d'une minute à l'autre, alala les stagiaires aujourd'hui ptdr.

...

Ce soir, je me couche tôt.