Les réveillons

J'ai envie de te raconter quelques réveillons triés sur le volet, tellement qu'ils sont pourris, tellement que tu vas comprendre pourquoi j'aime pas le Nouvel An. 

Depuis mes 15 ans, âge auquel j'ai décrété que fêter la nouvelle année avec les darons c'est grave la loooooooose, âge durant lequel je suis devenue conne, ma réponse à la question : "Et toi, c'est quoi tes bonnes résolutions ?" était inexorablement "Moi, c'est de pas avoir de bonnes résolutions, tu vois". Je mâchais aussi un chewing-gum, en répondant ça. Et j'avais un air désinvolte. Je me trouvais brillante, avec cette phrase. 

Entre l'an 2000 et l'an 2001, ma vie a basculé. Je suis entrée en seconde. Je vois que tu me comprends. 

En 2000, j'étais une gentille fifille à sa môman qui fêtait la fin-du-monde-ah-ben-non-finalement avec la mifa et tout ; en 2001, je fêtais la nouvelle année avec mon nouveau mec et ses potes que je ne connaissais pas. 

Cette joyeuse équipe de potes avait eu la bonne idée de faire une grosse tteeeeuuuuuuffff dans une maison abandonnée dans laquelle ils avaient foutu 3 matelas par terre, une table à tréteaux et la radio portative de Jean-Bernard. Ouais, le coup de la maison abandonnée, ça te laisse penser que c'était des jeunes punks, les potes de mon mec, mais absolument pas. C'était des jeunes bourgeois qui regrettaient amèrement leur condition et auraient clairement préféré vivre dans la rue (tu vois, le genre qui fume beaucoup de joints et qui marche pieds nus). Des jeunes connards qui avaient tous dis à mon mec qu'ils avaient hâte de me voir, et qui, une fois qu'ils m'ont vue, ne m'ont plus calculée de la soirée. J'ai donc passé mon réveillon assise sur un matelas, à boire du coca, dans une solitude extrême puisqu'on m'avait vue mais qu'on avait pas franchement envie de s'asseoir sur le même matelas. 

En 2002, tu imagines bien que j'avais topé mon mec dès le mois d'octobre en lui disant, de façon un brin hystérique : "No way qu'on refasse le Nouvel An avec ces abrutis que je méprise plus que tout, mon p'tit bonhomme. Ils sont cons, ils puent, et je leur pisse à la gueule si tu m'emmènes avec eux" ou quelque chose dans ce goût là. Comme le garçon n'était pas du genre dominant, il a obtempéré en organisant un petit Nouvel An en amoureux chez ses parents, sans ses parents. On a acheté du foie gras, loué plein de dvd et même pris de la weed pour la fin de soirée. 

Dès le premier film, j'ai failli vomir mon foie gras tellement les images étaient dégueulasses ; une vraie boucherie à l'intérieur du scénario. On change. 4 films plus tard, retenant difficilement dans mon corps la nourriture ingurgitée, au regard des films que mon cher et tendre avait choisi pour cette romantique soirée, je propose qu'on fume la weed, au moins j'aurai des moments d'absence, c'est peut-être mieux.... 

Entendu que je n'avais pas fumé depuis environ mille ans, je me souviens juste de ma troisième taffe. Après.... après il paraît que j'ai comaté pendant 2 heures, qu'il a fini par me porter jusqu'au lit, et me laisser dormir jusqu'au petit matin. Bonne année, mon chéri !

En 2003, je te préviens tout de suite, j'étais bourrée. Non parce que bon, toi, t'as de la chance, tu ne visualises pas la tronche du mec qui a fourré sa langue dans ma bouche, mais moi si. Et ce souvenir reste douloureux, quasiment 10 ans plus tard. Imagine juste un gros plouc de 18 ans, chemise à carreaux et tronche de consanguin, dégoulinant de sueur et sentant la vinasse à travers les pores de sa peau. Tu ajoutes seulement la perruque à franges en plastique de beauf, tu sais, la rouge que tu retrouves dans toutes les salles des fêtes de communes campagnardes.... Même qu'elle tient avec un chapeau pointu en carton retenu par un élastique sous le menton.... 

Grosse soirée chez une pote, j'ai laissé ce déchet m'embrasser parce que petit 1 j'étais bourrée, petit 2 mon mec de l'époque ne m'avait pas appelée ce sale enculé. (Pour la petite histoire, ce mec là a passé 1h30 sous la flotte, en haut d'une butte pour tenter de capter quelque chose avec son portable, dans l'espoir de me souhaiter la bonne année....)(Grand moment de solitude quand tu apprends ça). Sauf qu'après, on allait dans une salle des fêtes où était organisé..... tiens-toi bien... UN DISCO FLASH !!! Le disco flash, c'est un peu notre Amérique profonde à nous, c'est une partie de la société qu'on n'aime pas trop voir, c'est des chaises qui volent, des types qui se battent, des histoires d'inceste dévoilées...

C'est là que j'ai clairement débourré, quand l'autre grand singe débile restait accroché à moi comme une huître à son rocher et qu'il me présentait partout comme "sa petite copine". J'ai entendu dire, qu'au lieu d'une tronche de rocher, justement, j'avais plutôt les yeux du lapin devant les phares d'une voiture (je sais, j'utilise souvent cette comparaison). 

Après ceux-là, déjà échaudée par ces réveillons moisis, je te cache pas que j'ai accordé beaucoup moins d'importance au Nouvel An. De ce fait, les suivants se mélangent un peu dans ma tête. 

Il y a eu une année, en 2004 ou 2005, où j'ai tenté d'organiser un peu (ce qui revient souvent pour moi à régir) la bouffe d'une grosse soirée. Pour ou contre le foie gras ? Les avis étaient partagés, et bref, tout te raconter n'aurait aucun intérêt, l'idée étant que j'ai réussi à me foutre tous mes potes à dos. Je-te-ra-conte-pas-l'am-biance. J'ai fini par me casser vers 23h dans une piaule de la baraque, où j'ai retrouvé une meuf, avec un crâne rasé et plein de piercings sur la tronche, que je ne connaissais pas mais qui s'emmerdait comme un rat mort. 2 meufs exclues, 1 jeu de cartes de voyance = une fin de soirée excellente, pleine de fous rires. A minuit, on a entendu les gens hurler "BBONNNEE ANNNEEE" et nous, on s'est regardé et on a décrété qu'on n'aimait pas le Nouvel An. 

En 2009, en 2010 et en 2011, je me suis couchée à 00h05. A Amsterdam, à Paris et au fin fond de la Bretagne. En ayant mangé rien de spécial, des crevettes pourries et du foie gras à tomber, selon où j'étais. 

Cette année, Charlie et son Crémant humain nous ont invité chez eux. Charlie, c'est ma cousine. Elle aussi était au Disco Flash. Elle fait partie des personnes que j'aime d'amour. Elle est la seule personne avec qui j'ai joué à Bioman, avec qui j'ai chanté Dieu m'a donné la foi, avec qui j'ai inlassablement répété "du caca..." parce que rien que ça, ça nous faisait rire (oh oh OH détends toi, on avait 7 ans tout au plus !). 

Avec elle, j'ai pleuré de bonheur, j'ai pleuré de rire, j'ai pleuré de tristesse, j'ai pleuré de rage. Avec elle, j'ai une complicité qui s'étend au-delà des liens familiaux. Parce que c'est une des personnes les plus drôles que je connaisse, parce qu'elle est capable de tout tourner à la dérision, parce qu'elle est attentive et qu'elle m'inspire une infinie tendresse, je l'aime ma zizine. 

Bonne année à toi, à toi, à toi, à toi, à toi, pas à toi par contre, à toi, à toi, à toi et à toi mais tu mérites pas, à toi et puis à toi aussi. Je vous love.